Mujeres de letras: pioneras en el arte, el ensayismo y la educación
BLOQUE 5. Profesoras y pedagogas

Zénaïde Fleuriot, une romancière choyée e à son époque et oubliée de nos jours

Magali Fernández

Universidad de Murcia

Résumé : Méconnue de nos jours, la prolifique œuvre de Zénaïde-Marie-Anne Fleuriot se compose de quatre-vingt trois ouvrages de fiction ayant pour thème majeur l’éducation des jeunes filles. Dans ses romans, de nombreuses scènes ont fonction d’instruction morale et sont le prétexte à de petites leçons de savoir-vivre. Cette écrivaine française qui connut à son époque un très grand succès et qui gagna en 1873 le prix Montyon de littérature de l’Académie française pour Aigles et Colombes, en début de carrière publia ses écrits sous le pseudonyme d’Anna Edianez, Edianez étant l’anagramme de Zénaïde et Anna un dérivé d’un de ses prénoms, Anne.

En dépit des échecs endurés, Mlle Zénaïde Fleuriot, très influencée par ses convictions idéologiques (son père, fervent fidèle aux Bourbons, avait perdu sa fortune) et catholiques de son milieu, s’est évertuée dans ses livres à encourager la foi chrétienne et les bonnes mœurs bourgeoises. Elle tire ses principes de la vie quotidienne et décrit à merveille les us et coutumes du XIXe siècle; le caractère désuet de cet enseignement n’en révèle pas moins une écrivaine dont les récits sont d’une approche facile et extrêmement vivante.

Notre majeure prétention est que cette pionnière des lettres françaises du XIXe siècle soit connue par sa prolifique carrière d´écrivaine ; ses romans nous dévoilent la morale chrétienne et l´éducation donnée aux jeunes filles face aux changements d´un « nouveau monde ».

Mots clés: Pionnière ; Zénaïde Fleuriot ; Littérature « jeunes filles » ; Œuvre prolifique ; Méconnue de nos jours.

1. Introduction

Lorsqu´on pense à des femmes pionnières, nous pensons souvent à des pionnières d’autres disciplines scientifiques comme Marie Curie ou, encore, à celles de lettres, très connues par le public, et que l’on retrouve dans les manuels de littérature. Bien d’autres sont oubliées du grand public, pourtant elles mériteraient y apparaître ; toutes celles qui dans le passé étaient renommées et desquelles les manuels de littérature ne parlent point ou très peu. Il ne reste sans dire qu´il faudrait les ajouter en raison de ce qu’elles représentaient pour d´autres générations de femmes auxquelles elles purent inspirer des fantaisies, mais aussi des principes de vie. J´avais lu, à mon adolescence, le roman Aigles et Colombes de Mlle Zénaïde Fleuriot (Saint-Brieuc, 1829 – Paris, 1890), écrivaine du XIXe siècle qui était bien l´une des représentantes de femmes de lettres dont on ne parle plus, mais qui étaient choyées à leur époque. J’ai pris partie pour elle comme l’une des pionnières d’un genre: le roman sentimental ou d’amour pour la jeunesse féminine, qui, de 1870 à 1875, passé dans le régime de masse de grande consommation. Il faut dire qu’une grande partie de ses romans furent publié dès 1884 chez Hachette dans les collections Bibliothèque rose et Bibliothèque bleu.

Descendante d´une famille bourgeoise bretonne, Zénaïde Fleuriot écrivit pour les jeunes filles et leurs mères des romans prescriptifs des devoirs des femmes dans les familles de morale chrétienne. Prenant le relais de la comtesse de Ségur à la  Bibliothèque rose illustrée, elle laissa une oeuvre abondante, catholique et fermement morale tout en restant complexe et soucieuse de ses choix esthétiques. Connaisseuse aussi bien des mœurs que des âmes jeunes (avant d´exercer le métier de tiseuse d’histoire elle avait été préceptrice dans une famille bourgeoise) elle écrivit quatre-vingt-trois romans reconnus par les critiques de l´époque (comme Alfred Nettement et M. Péladan).

Nous voulons rendre hommage à cette écrivaine, non seulement comme instigatrice des principes bienfaisants (jugés conservateurs de nos jours) des familles bourgeoises du XIX siècle, mais aussi comme préceptrice de toute une époque de jeunes filles. Elle évoque dans ses récits des modèles dans un monde novateur de contextes et de situations dans lesquels se meuvent ses héroïnes.

Pour ce faire, nous allons réviser les influences de son passé dans ses goûts littéraires et son esprit vif et mordant, ainsi que nous allons décrire le riche univers de ses héroïnes : des jeunes filles qui deviennent le guide des familles bourgeoises tout en conservant les qualités morales et chrétiennes.

2. Influences du passé dans les goûts littéraires et l´esprit vif et mordant1 chez Fleuriot

2.1. Enfance et adolescence au Palacret (de 1829 à 1849)

L’enfance de Zénaïde avait été heureuse; mais, si tristes les épreuves subies qui assombrirent son adolescence et les années de jeune adulte, si douloureux était le souvenir que sa mémoire, son cœur et son esprit en avaient gardé, qu’elle évitait de se souvenir de cette époque de sa vie. Néanmoins, nous retrouvons heureusement, sous le titre de Confidences à mes lectrices, certains détails sur sa jeunesse et dans les papiers de famille une longue lettre écrite d’après sa demande, par sa sœur aînée de vingt ans, Marie Fleuriot; celle-ci l’avait pour ainsi dire élevée, comme il arrive dans de nombreuses familles, où la mère est absorbée par les soins à donner aux derniers venus (provenant d’une famille de seize enfants dont ne survécurent que cinq).

Sous la Révolution, le père de Zénaïde avait acquit une très grande réputation dans le monde des lettres, grâce à ses nombreux et estimés ouvrages. Sur ses ancêtres, Jean Marie Fleuriot, avocat distingué provenant d´un linage noble de la Bretagne, avait pris soin d´écrire de sa propre main tout ce qui rattachait de sa généalogie. C´est pourquoi nous savons aujourd´hui que les familles Fleuriot (famille paternelle de Zénaïde) et Rolland (sa famille maternelle) possédaient une fortune territoriale assez considérable dans la province et elles étaient toutes deux imprégnées d´une foi chrétienne qui se montre dans les actes notariales de successions. En remontant, il y avait des prêtes et des abbés ; c’est ainsi que Vincent Fleuriot, grand-oncle paternel de Jean-Marie Fleuriot, exerçait la prêtrise en même temps que son grand-oncle maternel, Jacques-Étienne Rolland, recteur de Saint-Coislit, près de Châteaulin (1733-1761). Très tôt orphelin de mère, il fut élevé par ce dernier, qui fut fusillé à Brest en 1794 pour refus de serment à la Convention. Celui-ci avait perdu sa fortune et sa position en dénonçant la monarchie de Juillet issue des Trois Glorieuses. Cependant, nous ne parlerons pas ici de sa fidélité à la cause de la monarchie expirante, qu’il défendit même au péril de sa vie; nous avons tenu seulement à rappeler cette parenté, parce que c’est à elle que l’on a attribué les goûts littéraires, les sentiments chevaleresques et aussi l’esprit vif et mordant qui caractérisaient Jean Marie Fleuriot et sa fille Zénaïde.

Zénaïde Fleuriot fut fortement influencée par l’environnement familial vécu. Elle resta fidèle jusqu’à la mort aux principes de l’honneur; elle conserva toute sa vie un culte pour son père, tout en déplorant que sa rigidité de principes eût causé la ruine de sa famille et amené les douleurs de son adolescence et de sa jeunesse.

Elle avait particulièrement hérité des dons brillants et des riches facultés qui la distinguaient : sûreté dans les principes, élévation de l’esprit, exquise sensibilité du cœur, fidélité dans les attachements, dévouement à toute épreuve; c’est ce que sa vie nous révèle.

2.2. De préceptrice à écrivaine

De 1849 à 1860, elle fut préceptrice des filles (Marie, Alix et Claire) de la famille Guillotou de Keréver. Pendant l’hiver, ils résidaient à Saint-Brieuc et l’été au Château-Billy à Ploufragan. Zénaïde ne comptait que vingt ans lorsqu´elle fut sollicitée pour s’occuper de l’éducation des enfants. Et elle y restera pendant 17 ans, jusqu’en 1864. C´est dans cette ambiance qu´elle commença à écrire le soir pour se distraire des occupations journalières. Mais, en 1857, ayant une petite ambition, elle envoya à Lyon une nouvelle intitulée La fontaine du Moine Rouge pour un concours proposé par la France littéraire dont elle remporta le 1er prix. C´est ainsi qu´en 1859, elle publia son premier roman, un recueil de nouvelles intitulé Souvenirs d’une Douairière auprès d’Amboise Bray, éditeur catholique.

Fig. 1 Zénaïde Fleuriot à l´âge de vingt ans2

Fig. 2 Le Château Bily – St Brieuc3

Zénaïde avait pris un pseudonyme pour écrire : elle signait « Anna Edianez»; ce dernier nom, très transparent du reste, n’était que celui de Zénaïde renversé. (Fleuriot-Kerinou, F. 1897 : 104) Elle le conserva pour ses premiers ouvrages publiés à Paris. Les deux pièces de vers couronnées à ce même concours de France étaient les suivantes: une poésie intitulée Premier chagrin, dédiée à Mlle Louise de K. et un sonnet cité par M. Péladan (un écrivain et critique d’art français) qui avait dit de celui-ci que si bien il manquait d´une rime tout à fait harmonieuse, il avait de l´énergie.

2.3. Écrivaine prolifique, aimée au XIXe siècle par ses lectrices du « nouveau monde moderne »

Quasi méconnue de nos jours, elle était pourtant à son époque un modèle pour les jeunes filles et leurs mères. La destinée de ses romans est celle des jeunes filles qui affrontent les crises de croissances, qui évoluant dans un monde imparfait, reviennent à un ordre connu. C´est ainsi qu´elle participerait à une formation générale du goût, de l’esprit et des mœurs qui permettrait aux futures mères de mieux prendre la mesure de l’importance de leurs devoirs et de mieux les assume : tout en leur assurant des lectures agréables, il fallait des livres neufs pour assurer cette formation nouvelle.

L’influence des valeurs familiales lui donna en permanence le souci de ne pas blesser la foi chrétienne et les bonnes mœurs. Elle a rencontré de ce fait un grand succès auprès de la bourgeoisie catholique française, mais aussi étrangère ; c’est ainsi que ses romans furent traduits en d’autres langues (en allemand par Hoffmann, en Autriche).

Bénédicte Monicat (2006)4, spécialiste de la place des femmes dans l’histoire littéraire du XIXe siècle, accorde à cette écrivaine de fiction dans la quatrième partie de Devoirs d´écritures tout un chapitre nommé Zénaïde Fleuriot, ou une œuvre exemplaire. Clôt l´analyse de ses quatre-vingt-trois romans5, Monicat parvient à affirmer que: « même si les romans soumis à des fins édificatrices présentent aux lectrices des parcours de vie aux scénarios limités, les méandres de la fiction de Mlle Fleuriot au long cours mettent en lumière les paradoxes et les aspirations qui constituent les univers des femmes au XIXe siècle ».

À une époque de sa vie, une autre vocation surgit lorsqu’elle était souffrante en raison de la perte de sa belle-sœur qu´elle adorait, elle songeait à se faire religieuse, mais cette idée ne s’est jamais matérialisée. Suivant les recommandations de son amie écrivaine, la princesse Carolyne de Sayn-Wittgenstein, lors d’un voyage à Rome, finalement elle se réfugia dans l’écriture pour surmonter sa peine.

C’est ainsi qu’elle poursuivit donc d’une part, comme écrivaine, son œuvre littéraire et, d’une autre part, d’instruction moyenant le journal La Semaine des Familles qu’elle dirigea de 1874 à 1879. Et, à partir de 1871, elle organisa puis dirigea une école professionnelle tournée vers la formation de la jeunesse ouvrière, dans une société nouvelle où la femme commence à travailler aussi hors du foyer.

Ses rapports avec Alfred Nettement6, son prédécesseur de 1848 à 1869 au journal La Semaine des familles, commença avec la publication de son roman La Vie de famille (signé Anna Édianez, anagramme de Zénaïde et Anna) qui était parut en 1861 pour la première fois. Bénédicte Monicat (2006) nous rapporte quelques lignes de l’introduction d’Alfred Nettement qu’il avait distingué dès 1973, à la cinquième réédition de La vie en famille, qui nous révèlent le talent de Fleuriot : son talent est de rendre « la notion de la vie réelle avec un sentiment suffisant de l’idéal » (p.8). Nettement y loue la façon d’écrire, mais aussi des traits de caractère qui se découlent de son « talent observateur, sérieux, sobre, honnête, vigoureux, sensible sans être sentimental, étranger aux mièvreries qui trop souvent emprisonnent les plumes féminines dans des détails infinis qui font ressembler les tableaux qu’elles tracent à des miniatures » (p. 9-10).

2.4. Le Prix Montyon 1873 pour Aigle et Colombe

Destiné aux auteurs français d’ouvrages « les plus utiles aux mœurs, et recommandables par un caractère d’élévation et d’utilité morales », le Prix Montyon de littérature (de 1500 F) de 1873, décerné par l’Académie française7 fut remporté par son roman Aigle et Colombe.

Dans ce roman, une saisissante peinture de caractères se met en œuvre pour faire réfléchir la jeunesse à propos de la vie d´un jeune notaire, Hervé Darganec, qui quitte par dépit sa famille et sa Bretagne natale, pour aller à Paris où il croit qu´il fera fortune en se mettant au service d’un industriel, M. Drassart. C´est alors que la guerre de 1870 éclate et il est emporté par le tourbillon des affaires. Anne, sa chère et pieuse sœur, essaiera de le ramener par le chemin du devoir et de sauvegarder moyenant la Foi et l’honneur le nom de famille.

Les contraires et les symboles se multiplient dans ce roman : la femme et l´homme, la Bretagne et Paris, la guerre et la paix, l´honneur et le déshonneur, la Foi chrétienne et les affaires, … l´aigle et la colombe.

2.4.1. Symbolisme8 du nom de ce roman

Il y a dans le titre un symbolisme appareillé à l´animal, cherchant des similitudes avec l´homme et sa propre nature, sans oublier les connotations culturelles et religieuse qui s´en dégagent.

Issus de symboles universels, l´aigle représente l´homme et la guerre ; tandis que la colombe, la femme et la paix et les caractéristiques propres à ces deux genres. À l´aigle, symbole de la volonté de puissance s´oppose la colombe, symbole de l´amour. Sous les deux Empires, l´aigle décorait les armes de la France, symbole du pouvoir et l´ascension napoléonienne dès 1804.

Quant à la religion, pour les Catholiques et les Orthodoxes, la colombe est parfois associée à la Mère de Dieu et lorsque la Vierge Marie est entourée de sept colombes, cette image représente la Mater de la sapientiae : c´est à dire, la mère de la Sagesse. De même, selon la religion chrétienne, lorsque Saint Jean baptisa Jésus-Christ l´esprit descendit sur lui sous forme de colombe ; c´est pour cela qu´elle incarnerait aussi la troisième personne de la trinité chrétienne et, en outre, l´âme humaine qui s´échappe des lèvres des Chrétiens martyrs expirants.

2.5. Le riche univers de ses héroïnes ; des modèles pour la jeunesse féminine

Dans ses romans, Zénaïde met en relief les qualités requises chez les filles et chez les garçons. Les vertus mises en évidence pour le genre féminin sont la chasteté, la douceur, la constance, la piété, la grandeur d’âme et la soumission. La majorité de ses modèles de femmes orientent les filles vers le dévouement conjugal ou maternel.

Quand au côté masculin, sont exaltés le patriotisme, la fidélité au souverain, le bon usage de l’autorité, la bravoure, la lutte contre les passions (puisque chez les femmes la continence est supposée un trait distinctif de sa nature, elle est plus souvent citée chez les hommes). Pour les deux sexes, la reconnaissance et l’encouragement du génie qui ne se conçoivent plus que chez les garçons ; c´est pourquoi, chez les filles, on ne tente plus d’étouffer toute tentative de se développer dans d´autres domaines, si ces capacités-là ne nuisent pas l´exercice de leurs « devoirs essentiels » envers la famille.

Nous y trouvons dans sa représentation du monde des oppositions correspondant à des univers contrastés idéologiquement9 où l´existence de la fille et la jeune fille est justifiée par la nécessité des hommes qui, sans elles, souffrent et sont faibles : c´est pourquoi, le pouvoir de la femme est celui d´une instigatrice au bien de la société, grâce à sa nature éducatrice. Elles vivent dans un « monde moderne », comme pourrait le dire Fleuriot, où l´homme, à la recherche de la diversion, le plaisir, le bonheur, l´or et les honneurs,  oublie la sécurité, qui est tout. La femme est une héroïne qui résiste aux forces menaçant la stabilité et les valeurs incarnées par ces mêmes personnages féminins.

Dans ses romans, on se réjouit lorsque les choses retrouvent leurs places, ce qui sécurise le cœur et l´âme féminins. La place de la femme devient le centre de la famille. Plus elle serait dotée de patience, mieux elle affronterait l´avenir familial. Cependant, ce n´est point tout à fait de l´obéissance à son mari. La mère au centre des forces doit rester ferme face aux caprices des enfants, car elle remplit la place du père et de la mère, lorsque celui-ci est aussi capricieux et imparfait que le serait un enfant immature. Dans une lettre à sa sœur Marie, on retrouve cette fermeté nécessaire chez la mère pour le bien familiale. Elle écrit:

Voilà une pauvre femme qui s’est laissé ruiner par son propre fils; non seulement il a mangé la fortune de sa mère, mais aussi celle de ses frères et sœurs; j’ai voulu remonter à la cause de tout ce désastre. La malheureuse mère a très mal élevé ses enfants, elle ne leur a inculqué aucun principe, elle n’a pas éveillé leur conscience, leurs caprices étaient la loi de leur volonté. Certains ont bien tourné; mais celui-là était plus mauvais que les autres, et il cause leur irréparable malheur à tous. (…) Il faut veiller sur soi pour donner constamment le bon exemple. Qu’on le veuille ou qu’on ne le veuille pas, l’enfant fait l’homme, et élever des enfants quand la raison se forme, est une science difficile, toute faite de fermeté et de douceur. (Fleuriot-Kerinou 1897 : 138-139)

Faisant appel à la morale et les principes chrétiens, elle pensait que l’instruction était fondamentale chez les jeunes filles (surtout celles qui deviendraient mère un jour) qui élèveraient des enfants qui deviendraient des hommes et des femmes du « nouveau » monde. Elle y mettait aussi l’accent dans ses romans sur ce qui est la bonne éducation des enfants : l’exemple maternel (une vie exemplaire dépourvue de caprices) et une éducation ferme des enfants. Nous pourrions nous demander comment une femme qui n’a pas eu d’enfant pourrait donner des conseils sur des enfants, mais c’est en raison de sa propre formation, de son expérience (son métier de préceptrice) et de l’éducation reçu de sa sœur Marie dans ses premières années d’enfance. Au début, selon son neveu Francis Fleuriot-Kerinou (1987), celle-ci n’aimait pas tellement la vocation d’écrivaine de sa petite sœur : parait-il qu’elle voulait qu’elle forme une famille. Le seul qui paraissait content avec cette décision était son père.

3. Conclusion

En effet, lorsqu’à partir de 1870-1875 on retrouve un nombre significatif de romans d’amour, c’est que celui-ci est passé dans le régime de masse de grande consommation. Nous remarquons enfin que dès la fin du XIXe siècle, les femmes sont les principales productrices de cette littérature. Nous pourrions en conclure que l’abondance d’auteures montre bien que le roman sentimental est le genre principal où s’essaient en particulier les femmes. Nous remarquons, en outre, qu’il reparaît dans un segment où l’on ne l’attendrait guère à première vue : celui de la littérature catholique, engagée et militante même, d’une part, et, d’autre part, dans la littérature bien pensante d’orientation catholique et conformiste des magazines de mode et des périodiques pour la famille.

Sans surprise nous constatons que le roman de la jeune fille qui découvre l’amour prédomine très largement et que par contre le roman de la femme mal-mariée est quasi absent: dans cette littérature bien pensante et moralisatrice, on ne saurait entrer dans une thématique qui correspond dans la réalité à des interdits et des tabous. Comme dirait Jean Claude Margolin quant aux petites filles modèles de Zénaïde Fleuriot : « Quelle délicatesse, quelle élégance (…) voire les récits de Zénaïde Fleuriot ou les petites filles modèles! » (Margolin 1969 : 104).

Zénaïde Fleuriot voulait conserver les principes d’un monde en continuelle évolution, maintenir et transmettre les valeurs traditionnelles et catholiques auxquelles les femmes devraient être loyales si elles voulaient rester dans la condition que la société et la religion leur assignait. Elle s’adressa donc prioritairement aux femmes pour faire son œuvre éducative, surtout aux jeunes filles, mais aussi à leurs mères. De là l’expression souvent répétée « la mère peut en permettre la lecture à sa fille », ce qui implique qu’il s’agissait d’une lecture contrôlée, car la mère avait préalablement lu les romans avant d’en autoriser la lecture.

Bien que le roman d’amour catholique accentue encore davantage la codification, la sérialisation et la stéréotypie du genre : n’est-ce pas toujours la même histoire? La jeune fille surmonte et aide la famille à surmonter ses problèmes dans la morale chrétienne, ce qui adoucit le monde et le met à sa place. Néanmoins, ceci ne pourrait dévaloriser la source de sagesse qui découle de ces lectures.

Cette pionnière prolifique de littérature pour jeunes filles nous a laissé des romans qui décrivent des contextes et des mœurs du XIXe siècle ; il faut dire que c´est un genre qui mériterait la reconnaissance du monde littéraire. Peut-être que son déclassement viendrait d’un laïcisme qui s’impose ou du fait de la féminisation poussée du roman sentimental, parce que ce sont des ouvrages de dames pour dames. À vrai dire nous ne pourrions ajouter que quelques noms d’auteurs masculins de ce genre, voire l’abbé Prévost, Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre et Chateaubriand.

D’après Mariella Colin (1992 : 14): « les raisons qui ont empêché la parution des ses ouvrages, malgré l’abondance de sa production littéraire, vraisemblablement doivent être cherchées dans son idéologie réactionnaire, qui la conduisait à dénoncer la déchéance du siècle et se battre contre la civilisation moderne, la nouvelle société et la grande ville. »

De ces quatre-vingt trois romans, seulement six sont parus dans la Collection Ségur-Fleuriot créée en 1955 et qui disparaîtrait en 1957. Cette collection vint assurer la transition entre l’ancienne et la nouvelle bibliothèque rose, chez Hachette.

Pour conclure, il est précis que nous observions qu’il n’y a presque pas de recherches faites sur cette auteure. Aujourd’hui, en écrivant sur elle, peut-être que quelques portes s’ouvriront à de futures recherches tant sur la littérature de et pour jeunes filles que sur les romans de Zénaïde Fleuriot.

Bibliographie et sitographie

CIRLOT, Juan Eduardo (2006) : Diccionario de símbolos. Madrid: Ediciones Siruela.

COLIN, Mariella (1992): Sur la littérature d’enfance et de jeunesse en France et en Italie au XIXe siècle. Traduction et influences. Paris : Université de la Sorbonne Nouvelle [chroniquesitaliennes.univ-paris3.fr/PDF/30/Colin.pdf, 16-06-2016].

FLEURIOT-KERINOU, Francis (1897): Zénaïde Fleuriot : sa vie, ses œuvres, sa correspondance. Hachette, Paris, 1897 [gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France, 16-06-2016]. 

HAMON, Philippe ; VIBOUD, Alexandrine (2008): Dictionnaire thématique du roman de mœurs en France 1814-1914: 2 volumes. Paris : Presses Sorbonne Nouvelle.

MARGOLIN, Jean-Claude (1969): Recherches érasmiennes. Collection Travaux d’humanisme et Renaissance. Genève : Librairie Droz.

MONICAT, Bénédicte (2006): Devoirs d’écriture : modèles d’histoires pour filles et littérature féminine au XIXe siècle. Presses Universitaires Lyon.


1 Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France, consulté le 16 juin 2016 : FLEURIOT-KERINOU, F. Zénaïde Fleuriot : sa vie, ses œuvres, sa correspondance. Librairie Hachette, Paris, 1897

2 Consulté le 15 juin 2016 sur le site: http://www.babelio.com/auteur/Zenaide-Fleuriot/49023

4 Bénédicte Monicat est Professor of French and Women’s Studies à Pennsylvania State University

5 Le premier intérêt de son ouvrage est de rassembler un large corpus – non exhaustif – de près de 200 titres pour faire son analyse, dont quatre-vingt-trois appartiennent à Zénaïde Fleuriot.

6 Alfred François Nettement (1805-1869), journaliste, critique littéraire, historien catholique et légitimiste, comme l’avait été le père de Mlle Fleuriot.

7 Page web de L’Académie française: prix Montyon de littérature 1873, Zénaïde Fleuriot: http://www.academie-francaise.fr/node/16919 , consulté le 6 juin 2016.

8 Juan Eduardo Cirlot: Diccionario de Símbolos. Ediciones Siruela. Madrid, 2006 (10ª edición)

9 Paris et la Bretagne, la grande ville et la province, la femme et le monde, caractéristiques de l´homme et celles de la femme.

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